Un héritage marocain est devenu un symbole de soft power sur la scène internationale.

Le Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira. © DR

L’étude récente d’Isabelle Tsakok, diffusée par le Policy Center for the New South, met en lumière l’essor mondial de la musique Gnaoua, en mettant l’accent sur son potentiel de génération de revenus et de création d’emplois. Cette musique, qui est une tradition marocaine enrichie par une histoire multiculturelle, représente l’impact positif de l’investissement durable et du soutien public sur l’émergence internationale des arts. Cependant, malgré leur attrait économique et culturel, les industries créatives du Maroc demeurent sous-utilisées et font face à une concurrence mondiale acharnée.

Une étude récente souligne l’essor international de la musique Gnaoua originaire du Maroc. Elle démontre comment un investissement privé durable, une vision stratégique et un soutien public conséquent peuvent hisser des expressions culturelles au rang mondial, les rendant séduisantes pour les investisseurs et sources d’inspiration.

Un levier économique et culturel sous-exploité

D’après les recherches d’Isabelle Tsakok, diffusées par le Policy Center for the New South, le succès international de la musique Gnaoua est non seulement une raison de célébration, mais également un sujet d’étude. Cela illustre le potentiel considérable de la musique et d’autres activités culturelles et créatives à produire des revenus et à offrir des emplois, notamment pour les jeunes, tout en renforçant la puissance douce des valeurs culturelles profondément enracinées.

Toutefois, l’étude met en garde que le développement socio-économique prospère des industries créatives et culturelles exige des efforts soutenus sur le long terme, en particulier face aux coûts élevés de production et de distribution, aux risques et à la concurrence internationale acharnée.

Malgré la richesse du Maroc dans les domaines créatifs et culturels, ses potentialités de développement socio-économique demeurent en grande partie inexploitées, indique la source.

Pour arriver à cette conclusion, l’étude souligne le positionnement stratégique, géographique et culturel du Maroc. Cette nation africaine, bordée par la Méditerranée et l’Atlantique, a historiquement été habitée par des tribus amazighes et a connu l’arrivée des Phéniciens, des Juifs, des Romains et des Arabes musulmans au fil des siècles. Au XXe siècle, elle a été placée sous protectorat français et espagnol. Le Maroc a aussi conservé des routes commerciales terrestres avec le sud du Sahara et maritimes avec des régions lointaines. Cette richesse historique a marqué la diversité des influences culturelles, y compris arabe islamique, amazighe, hassanie sahraouie, andalouse, méditerranéenne, juive et européenne, une diversité reconnue par la constitution marocaine.

Industries créatives marocaines

L’industrie culturelle et créative du Maroc, dotée d’un fort potentiel de développement, se concentre de plus en plus sur la valorisation de secteurs émergents comme le cinéma, la musique et les arts numériques, tout en continuant à promouvoir l’artisanat traditionnel renommé qui séduit près de 12 millions de touristes chaque année.

Isabelle Tsakok observe dans son étude que l’industrie cinématographique marocaine est parmi les plus dynamiques. Elle est mise à l’honneur lors de plus de quinze festivals de films majeurs, dont le Festival International du Film de Marrakech, fondé en 2001, qui réunit des icônes du cinéma mondial telles que Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Robert De Niro et Agnès Varda.

La diversité musicale du Maroc, enrichie par des influences arabes-andalouses, melhoun, populaires, classiques, amazighes, rifaines et soussies, illustre l’ampleur de sa richesse culturelle qui transcende les frontières nationales. La musique Gnaoua, qui trouve ses origines dans le sud du Sahara depuis le VIIIe siècle et était à l’origine jouée par des esclaves africains, symbolise cette diversité. Elle est décrite comme un moyen d’expression puissant pour les communautés historiquement marginalisées, en particulier les esclaves noirs, souvent vus par de nombreux Marocains comme possédant une “bénédiction spirituelle”. Leur musique, censée avoir le pouvoir de guérir et d’influencer les esprits, fusionne intimement le soufisme islamique avec les rituels spirituels africains.

Un quart de siècle de célébration du patrimoine Gnaoua

L’étude souligne aussi qu’Essaouira, ayant mis la musique Gnaoua sous les feux de la rampe internationale, fête le vingt-cinquième anniversaire de son festival emblématique dédié à cet art, inscrit par le Maroc au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

Initié en 1999, le Festival Gnaoua et Musiques du Monde d’Essaouira a été un acteur clé dans la reconnaissance internationale de cette musique. Avec les investissements privés, en particulier ceux de la fondatrice Neila Tazi, et le soutien des institutions publiques, le festival a réussi à attirer, vingt ans après, près d’un demi-million de spectateurs de tous horizons pour vivre cet événement unique à Essaouira.

Le Festival est indéniablement une célébration essentielle de cet héritage culturel distinct. Il sert de plateforme de reconnaissance pour les Gnaoua, les propulsant de l’obscurité à la lumière de la scène mondiale. Annuellement, cet événement culturel fournit une plateforme aux maâlems (maîtres de la musique Gnaoua), offrant à des centaines de jeunes l’opportunité d’expérimenter l’art de ces musiciens éminents.

Le festival se fait remarquer par son dévouement au métissage des cultures et de la musique, en invitant des artistes internationaux à mêler leur art à celui des Gnaoua. Au-delà de la préservation de cette tradition musicale, le festival contribue significativement à la restauration de l’histoire des Gnaoua et à la mise en valeur de leurs compétences.

Depuis sa première édition, qui a remporté un vif succès avec près de 20 000 visiteurs, le festival a vu son audience doubler, preuve de son importance grandissante sur la scène internationale. Les musiciens Gnaoua, véhiculant un message puissant, partagent leur art avec des artistes du monde entier et un public désireux de comprendre.

Dès son commencement, ce festival a mis en exergue la nécessité de transmettre les compétences traditionnelles, donnant l’opportunité aux maîtres de léguer leur art à la nouvelle génération d’artistes, garantissant de ce fait la survie d’un héritage culturel jadis considéré comme folklorique.